L’effectuation ou Comment ça se passe dans le cerveau d’un.e entrepreneur.e ?

Il est certaines choses qui semblent naturelles. Parmi celles-ci, la capacité que j’ai pu voir autour de moi, de personnes aux diplômes, origines sociales, géographiques, genres divers à se lancer dans des projets entrepreneuriaux, à réussir, à échouer, à rebondir… Ces personnes parfois correspondaient au mythe de l’entrepreneur[1] mais la plupart du temps non. En tous cas elles étaient bien souvent éloignées des portraits que l’on peut lire dans la presse nationale et internationale.

Qu’est-ce que qui fait que ces entrepreneur.es sont des entrepreneur.es ? C’est ce que nous propose de comprendre le modèle de l’effectuation. J’ai trouvé (peut-être comme vous d’ailleurs) ce terme un peu barbare la première fois que je l’ai entendu. Je me suis empressée de chercher son équivalence anglaise (effectuation), avec déjà un peu d’ironie sur un nouveau concept d’innovation pour école de commerce.

J’ai ensuite appris qu’effectual venait en opposition à causal et que tout cela était une histoire de moyens au démarrage :

  • Effectual : on fait avec les moyens dont on dispose
  • Causal : on va chercher les moyens qu’on a identifié pour faire

L’effectuation c’est donc la démarche entrepreneuriale qui vise à faire avec les moyens dont on dispose au démarrage. Et quand on regarde autour de soi, on pense à des entrepreneurs qui existaient déjà bien avant la folie start-up. Les entrepreneurs de terrain : artisans, commerçants, patrons de tpe/pme… Bref, ceux qui font avec ce qu’ils ont maintenant (et non avec ce qu’ils imaginent avoir un jour, plus tard…). C’est le premier des 5 principes de l’effectuation :

  1. Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras (ou Bird in hand pour les anglophones) : ce sont donc les ressources d’aujourd’hui qui déterminent les objectifs de demain et non l’inverse. En l’occurrence : la personnalité de l’entrepreneur, sa connaissance et ses relations.
  2. Le raisonnement en perte acceptable: on contrôle ce que l’on est prêt à perdre (la limite acceptable) plutôt que d’être dans l’incertitude du gain espéré.
  3. Le patchwork fou: l’entrepreneuriat est un exercice social dont la réussite repose sur la capacité de l’entrepreneur.e à créer les bonnes interactions, à fédérer les bonnes parties prenantes autour de son projet, à faire évoluer son projet en fonction des opportunités provoquées par les parties prenantes. Les parties prenantes sont autant de ressources qui influent sur l’objectif.
  4. La limonade: c’est un principe fondamentalement optimiste qui consiste à saisir les opportunités du présent plutôt que de prédire l’avenir.
  5. Le pilote dans l’avion: c’est l’entrepreneur qui donne la direction et transforme son environnement et non la prédiction qui guide l’entrepreneur. L’action est source d’apprentissage et aussi de transformation de l’environnement. Il y a moins de temps passé à prédire qu’à tester.

L’incertitude se transforme donc en opportunité pour qui fonctionne naturellement avec cette démarche entrepreneuriale. La bonne nouvelle est que même si c’est plus naturel pour certaines personnes que pour d’autres, on sait aujourd’hui qu’en modélisant et comprenant où on peut agir sur le cerveau on peut le muscler. C’est tout l’objet de l’approche neurocognitive par exemple qui permet de muscler sa capacité à s’adapter.

Personnellement, ce que je trouve très positif dans la modélisation de cette démarche c’est qu’elle est rassurante à la fois pour les porteurs de projet et les entrepreneur.es aguerris. L’entrepreneuriat est accessible à toutes et tous si tant est que l’on prenne un peu de temps pour se connaître, identifier son savoir-faire et ses ressources relationnelles.

Cela n’empêchera pas un travail sur les croyances limitantes et la posture si nécessaire mais la graine est plantée 😊

[1] Les 5 mythes de l’entrepreneur : les entrepreneurs aiment le risque, il faut une grande idée pour démarrer, les entrepreneurs sont experts en prévision, les entrepreneurs sont des super héros, les entrepreneurs réussissent seuls.